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Spiritualité

Dans le premier miracle de Notre Seigneur, aux noces de Cana, l’Église veut mettre encore en lumière devant le monde son « Épiphanie ». « Il manifesta sa gloire », lit-on à la fin du récit, c’est-à-dire il manifesta sa divinité, par son miracle. Cet Évangile est plein d’édification. Quelle charmante image du Sauveur il nous présente ! Le Christ est ami de la joie, il prend part aux fêtes de famille et les sanctifie ; son premier miracle est fait pendant les noces. Et dans Marie nous voyons la plus noble image de la femme et de la mère, partout secourable, prévoyante, serviable, modeste, ne montrant pas de susceptibilité quand on n’accorde pas ce qu’elle demande ; ce que dit saint Paul dans son beau cantique de la charité s’applique parfaitement à elle : la charité est patiente, bienveillante, ne connaît pas l’aigreur. Marie par son intercession a obtenu le premier miracle. L’Évangile contient encore de profondes pensées mystiques. Nous nous rappelons la merveilleuse antienne de Benedictus le jour de l’Épiphanie : « Aujourd’hui l’Église est unie au céleste Époux... » Dans l’Ancien et le Nouveau Testament, nous rencontrons fréquemment l’image des noces et de l’Épouse. Le Christ est l’Époux et l’Église est l’Épouse. Chaque messe est comme une noce, la table nuptiale y est dressée.

 Ce troisième Mystère de l’Épiphanie nous montre la consommation des plans de la divine miséricorde sur le monde, en même temps qu’il nous manifeste une troisième fois la gloire de l’Emmanuel. L’Etoile a conduit l’âme à la foi, l’Eau sanctifiée du Jourdain lui a conféré la pureté, le Festin Nuptial l’unit à son Dieu. Nous avons chanté l’Époux sortant radieux au-devant de l’Épouse ; nous l’avons entendu l’appeler des sommets du Liban ; maintenant qu’il l’a éclairée et purifiée, il veut l’enivrer du vin de son amour.

Un festin est préparé, un festin nuptial ; la Mère de Jésus y assiste ; car, après avoir coopéré au mystère de l’Incarnation du Verbe, il convient qu’elle soit associée à toutes les œuvres de son Fils, à toutes les faveurs qu’il prodigue à ses élus. Mais, au milieu de ce festin, le vin vient à manquer. Jusqu’alors la Gentilité n’avait point connu le doux vin de la Charité ; la Synagogue n’avait produit que des raisins sauvages. Le Christ est la vraie Vigne, comme il le dit lui-même. Lui seul pouvait donner ce vin qui réjouit le cœur de l’homme et nous présenter à boire de ce calice enivrant qu’avait chanté David.

Marie dit au Sauveur : « Ils n’ont point de vin. » C’est à la Mère de Dieu de lui représenter les besoins des hommes, dont elle est aussi la mère. Cependant, Jésus lui répond avec une apparente sécheresse : « Femme, qu’importe à moi et à vous ? Mon heure n’est pas encore venue. » C’est que, dans ce grand Mystère, il allait agir, non plus comme Fils de Marie, mais comme Fils de Dieu. Plus tard, à une heure qui doit venir, il apparaîtra aux yeux de cette même Mère, expirant sur la croix, selon cette humanité qu’il avait reçue d’elle. Marie a compris tout d’abord l’intention divine de son Fils, et elle profère ces paroles qu’elle répète sans cesse à tous ses enfants : Faites ce qu’il vous dira.

Or, il y avait là six grands vases de pierre, et ils étaient vides. Le monde, en effet, était parvenu à son sixième âge, comme l’enseignent saint Augustin et les autres docteurs après lui. Durant ces six âges, la terre attendait son Sauveur, qui devait l’instruire et la sauver. Jésus commande de remplir d’eau ces vases ; mais l’eau ne convient pas pour le festin de l’Epoux. Les figures, les prophéties de l’ancien monde étaient cette eau ; et nul homme, jusqu’à l’ouverture du septième âge, où le Christ, qui est la Vigne, devait se communiquer, n’avait contracté l’alliance avec le Verbe divin.

Mais lorsque l’Emmanuel est venu, il n’a qu’une parole à dire : « Puisez maintenant. » Le vin de la nouvelle Alliance, ce vin qui avait été réservé pour la fin, remplit seul maintenant les vases. En prenant notre nature humaine, nature faible comme l’eau, il en a ménagé la transformation ; il l’a élevée jusqu’à lui, nous rendant participants de la nature divine; il nous a rendus capables de contracter l’union avec lui, de former ce seul corps dont il est le Chef, cette Église dont il est l’Époux, et qu’il aimait de toute éternité d’un si ardent amour, qu’il est descendu du ciel pour célébrer ces noces avec elle.

O sort admirable que le nôtre ! Dieu a daigné, comme dit l’Apôtre, montrer les richesses de sa gloire sur des vases de miséricorde » Les urnes de Cana, figures de nos âmes, étaient insensibles, et nullement destinées à tant d’honneur. Jésus ordonne à ses ministres d’y verser l’eau ; et déjà, par cette eau, il les purifie ; mais il pense n’avoir rien fait encore tant qu’il ne les a pas remplies jusqu’au haut de ce vin céleste et nouveau, qui ne devait se boire qu’au royaume de son Père. Ainsi la divine charité, qui réside dans le Sacrement d’amour, nous est-elle communiquée ; et pour ne pas déroger à sa gloire, l’Emmanuel, qui veut épouser nos âmes, les élève jusqu’à lui. Préparons-les donc pour cette union ; et, selon le conseil de l’Apôtre, rendons-les semblables à cette Vierge pure qui est destinée à un Époux sans tache .

Saint Matthieu, Évangéliste de l’humanité du Sauveur, a reçu de l’Esprit-Saint la charge de nous annoncer le mystère de la foi par l’Etoile ; saint Luc, Évangéliste du Sacerdoce, a été choisi pour nous instruire du mystère delà Purification par les Eaux ; il appartenait au Disciple bien-aimé de nous révéler le mystère des Noces divines. C’est pourquoi, suggérant à la sainte Église l’intention de ce troisième mystère, il se sert de cette expression : Ce fut le premier des miracles de Jésus, et il y MANIFESTA sa gloire. A Bethlehem, l’Or et l’Encens des Mages prophétisèrent la divinité et la royauté cachées de l’Enfant ; sur le Jourdain, la descente de l’Esprit-Saint, la voix du Père, proclamèrent Fils de Dieu l’artisan de Nazareth ; à Cana, Jésus agit lui-même et il agit en Dieu : « car, dit saint Augustin, Celui qui transforma l’eau en vin dans les vases ne pouvait être que Celui-là même qui, chaque année, opère un prodige semblable dans la vigne. » Aussi, de ce moment, comme le remarque saint Jean, « ses Disciples crurent en lui », et le collège apostolique commença à se former.

Les noces de Cana et nous. — Maintenant qu’après le temps de fêtes les passages évangéliques reprennent, dans la liturgie, une plus grande importance, demandons-nous quelle est l’intention de l’Église, en nous présentant un épisode de la vie de Notre Seigneur, par exemple : aujourd’hui le miracle des noces Cana. Le miracle est un événement historique et l’Église cherche certainement à nous édifier par les actions de Notre Seigneur et de la Sainte Vierge. Cependant ce n’est pas là son but principal. L’Église raconte le passé mais elle pense au présent. Elle veut nous dire : ce qui s’est passé, il y a 1900 ans, s’accomplit encore mystiquement en nous et particulièrement, actuellement, à la messe. Le Christ ne se contente pas d’avoir changé, il y a 1900 ans, de l’eau en vin, il veut faire aujourd’hui quelque chose de semblable et d’une réalité plus élevée. Nous pouvons même aller plus loin. Le miracle que Notre Seigneur fit alors, il le fit moins pour le miracle lui-même qu’en considération de l’avenir. Tous les miracles de Jésus, toute sa vie, ne sont qu’une image de son action dans son Église, car le but de toutes ses œuvres terrestres était le salut des hommes. Nous pouvons donc dire que le premier miracle du Christ, à Cana, est un symbole de ce que le Christ accomplit dans son Église, de ce qu’il veut accomplir aujourd’hui, à la messe. Nous comprenons maintenant quelle importance a pour nous la vie du Christ. Nous apprenons par là ce que le Christ veut faire parmi nous. Les circonstances historiques nous apprennent quelle attitude nous devons avoir devant cette action du Christ. Il s’ensuit que nous devons vivre cet épisode évangélique et, pour ainsi dire, jouer notre rôle dans cette scène. Représentons-nous comme les hôtes ou même l’époux ou l’épouse. Le Christ et sa Mère sont au milieu de nous. Cela n’est que fiction dir/a-t-on ; mais il y a une réalité, c’est le don de la grâce, c’est le salut qui nous est accordé aujourd’hui.

 DIMANCHE 4/08/2013

Dimanche dernier, le Publicain nous rappelait l’humilité qui convient au pécheur. Aujourd’hui le Docteur des nations nous montre en sa personne que cette vertu ne sied pas moins à l’homme justifié, qui se souvient d’avoir autrefois offensé le Très-Haut. Le péché du juste, fût-il remis dès longtemps, demeure sans cesse devant ses yeux ; toujours prêt à s’accuser lui-même, il ne voit dans le pardon et l’oubli divins  qu’un motif nouveau de ne jamais perdre, quant à lui, le souvenir de ses fautes. Les faveurs célestes qui viennent parfois récompenser la sincérité de son repentir, la manifestation des secrets de la Sagesse éternelle, l’entrée dans les puissances du Seigneur, en le conduisant plus avant dans l’intelligence des droits de la justice infinie, lui révèlent mieux aussi l’énormité des crimes volontaires qui sont venus s’adjoindre aux souillures de son origine . Bientôt, dans cette voie, l’humilité n’est plus seulement pour lui une satisfaction donnée à la justice et à la vérité par son intelligence éclairée d’en haut : à mesure qu’il vit avec Dieu d’une union plus étroite et qu’il s’élève par la contemplation dans la lumière et l’amour, la divine charité, qui le presse toujours plus en toutes manières  se fait un aliment du souvenir même de ses fautes. Elle sonde l’abîme d’où la grâce l’a tiré, pour s’élancer de ces profondeurs de l’enfer plus véhémente, plus dominante et plus active. C’est alors que la reconnaissance pour les richesses sans prix qu’il tient aujourd’hui de la libéralité souveraine ne suffit plus au pécheur d’autrefois, et que l’aveu de ses misères passées sort de son âme ravie comme un hymne au Seigneur.

Comme Augustin, à la suite de Paul , « il glorifie le Dieu juste et bon en publiant de soi le bien et le mal, afin de gagner à l’unique objet de sa louange et de son amour l’esprit et le cœur des humains. » Et le converti de Monique et d’Ambroise, l’illustre évêque d’Hippone, plaçait en tête de ses Confessions immortelles la parole des psaumes, qui expliquait son but et sa pensée : Vous êtes grand, Seigneur, et digne de toute louange ; grande est votre puissance, et sans mesure votre sagesse !

« Et c’est vous que l’homme prétend louer ! poursuit-il : l’homme, portion chétive de votre création, promenant partout sa mortalité, et, avec elle, le témoignage de son péché, le témoignage que vous résistez aux superbes ! Et pourtant, cet être infime qui veut vous louer, ô Dieu, vous l’excitez à se complaire en cette louange. Recevez donc l’hommage que vous offre ma langue formée pour louer votre Nom. Que ma chair et tous mes os, guéris par vous, s’écrient : Seigneur, qui est semblable à vous ? Que mon âme vous loue pour vous aimer ; que pour vous louer elle confesse vos miséricordes. Je veux repasser présentement dans ma pensée mes longs égarements, et vous immoler sur ma honte une hostie d’allégresse. Non que j’aime mes fautes ; mais c’est pour vous aimer, vous, mon Dieu, que je les rappelle ; c’est par amour de votre amour que je reviens à ces amertumes pour savourer vos délices, ô douceur qui ne trompez pas, douceur bienheureuse et sans périls, qui rassemblez mes puissances et les rappelez de la dispersion douloureuse où les avait jetées mon éloignement de vous, centre unique de tout être. Que suis-je pour moi sans vous, qu’un guide conduisant aux abîmes ? Lorsqu’en moi tout est bien, que suis-je, que le petit enfant au sein de sa mère, le nourrisson puisant en vous dans la jouissance une nourriture incorruptible ? Qu’est l’homme enfin, quelque homme qu’il soit, puisqu’il est homme ? Qu’ils rient de moi, les puissants, ceux-là, ô mon Dieu, qui n’ont pas encore eu l’heureuse fortune d’être terrassés et brisés par vous ! Nous les petits, en face de ces forts, nous nous confessons et vous louons dans notre misère. Point n’est besoin pour cela de la parole et de la voix, vous entendez les cris de la pensée : quand je suis mauvais, c’est me confesser et vous louer que de me déplaire à moi-même ; quand je suis bon, c’est me confesser et vous louer que de ne pas m’en attribuer la cause. Car si vous bénissez le juste[Psalm. V, 13.[]], ô Seigneur, c’es.t que  vous l’avez d’abord justifié comme impie. »

C’est par la grâce de Dieu que je suis ce que je suis, doit dire en effet le juste avec l’Apôtre ; et lorsque cette vérité fondamentale est affermie dans son âme, il peut sans crainte ajouter avec lui : Sa grâce n’a pas été stérile en moi. Car l’humilité repose sur la vérité, disions-nous Dimanche : on manquerait à la vérité en rapportant à l’homme ce qui, dans l’homme, vient du souverain Être ; mais ce serait aller aussi contre elle, que de ne pas reconnaître avec les saints les œuvres de la grâce où Dieu les a mises. Dans le premier cas, la justice se trouverait blessée non moins que la vérité ; dans le second, la gratitude. L’humilité, dont le but direct est d’éviter ces lésions injustes de la gloire due à Dieu en réfrénant les appétits de la superbe, devient ainsi d’autre part le plus sûr auxiliaire de la reconnaissance, noble vertu, qui, dans les chemins d’ici-bas, n’a pas de plus grand ennemi que l’orgueil.

Aux premiers temps de la conversion, il est bon, il est prudent et nécessaire même généralement, pour les âmes, d’insister plus dans leurs méditations sur la considération de leurs défauts et de leurs fautes que sur la pensée des faveurs divines ; toujours est-il, cependant, qu’alors même il n’est permis à aucun homme d’oublier qu’il doit non seulement pleurer ses crimes passés et veiller sur sa vie présente, mais aussi remercier sans fin l’auteur de son bienheureux changement et de ses progrès dans la vertu . Lorsque le chrétien ne peut voir en lui-même une grâce, un bien quelconque, sans qu’aussitôt il lui faille lutter pour écarter les complaisances de l’amour-propre et la pensée de se préférer à d’autres, il n’a pas à s’en troubler sans doute ; car le péché d’orgueil n’est pas dans la suggestion mauvaise qui peut s’en présenter, mais dans le consentement qu’on lui donne ; toutefois cette hésitation du regard intérieur n’est pas sans inconvénient dans les voies spirituelles, et l’homme qui veut s’élever vers Dieu doit tendre doucement à la faire disparaître. Avec l’aide de la grâce il raffermira peu à peu l’œil de son âme, et guérira, parla pratique des Sacrements, son infirmité de nature. Surtout, qu’en ce point, comme pour tant d’autres, il se confie pleinement à Dieu qui l’appelle ; de lui-même, il serait impuissante se dégager des restes involontaires du péché qui, comme autant d’humeurs viciées, faussent en lui la belle lumière des dons divins ou la font dévier par une réfraction malheureuse.

Si votre œil est simple, nous dit le Seigneur , votre corps tout entier sera lumineux, sans qu’aucune partie soit obscure ; la lumière vous illuminera pleinement et sûrement, parce qu’elle vous arrivera sans altération ni détour. C’est donc à la douce simplicité, fille de l’humilité et son inséparable compagne, qu’il appartient de nous dire comment s’allient dans les âmes, et se complètent mutuellement, la connaissance réfléchie des faveurs qu’elles reçoivent du ciel et la conscience de leur misère ; elle nous apprend, à la clarté des Écritures et à l’école des Saints, que se louer dans le Seigneur , se glorifier en Dieu, c’est louer et glorifier le Seigneur même. Quand Notre-Dame proclamait que toutes les générations l’appelleraient bienheureuse, l’enthousiasme divin qui l’animait n’était pas moins l’extase de son humilité que de son amour  La vie des âmes d’élite présente à chaque pas de ces transports sublimes, Où reprenant pour soi le cantique de leur Reine, elles magnifient le Seigneur en chantant les grandes choses qu’il fait par elles dans sa puissance. Lorsque saint Paul, après l’appréciation si basse qu’il porte de lui-même comparé aux autres Apôtres, ajoute que la grâce a été productive en lui et qu’il a travaillé plus qu’eux tous, ne croyons pas qu’il change de thème, ou que l’Esprit qui le dirige veuille corriger ainsi ses premières expressions ; un seul besoin, un même et unique désir lui inspire ces paroles en apparence diverses et contraires : le désir et le besoin de ne pas frustrer Dieu dans ses dons, soit par l’appropriation de l’orgueil, soit par le silence de l’ingratitude.

Nous nous sommes étendus de préférence sur ces réflexions que suggèrent les dernières lignes de notre Épître ; elles complètent ce que nous avions à dire de l’humilité, vertu indispensable d’où relève tout progrès comme toute sûreté dans la vie chrétienne. Ce que dit saint Paul au sujet de la résurrection du Seigneur, considérée comme fondement de la prédication apostolique et de la foi des nations , n’a pas moins d’importance ; mais le glorieux mystère qui fournit à l’année liturgique dans la Solennité des solennités son pivot et son centre, a été traité durant l’Octave de Pâques avec les développements qu’il mérite. Lors même que le défaut d’espace ne nous y contraindrait pas, nous ne saurions mieux faire que d’y renvoyer le lecteur. Le Graduel nous est donné, dans les ouvrages des pieux interprètes de la Liturgie, comme l’action de grâces des humbles, guéris par Dieu conformément à l’espérance qu’ils avaient mise en lui

ÉVANGILE.

Jésus n’est plus dans la Judée ; le nom des lieux cités en tête de l’Évangile du jour indique que la gentilité est devenue le théâtre des opérations du salut. Quel est donc cet homme qu’on amène au Sauveur, et dont la misère arrache des soupirs au Verbe divin ? Que signifient les circonstances insolites avec lesquelles s’opère sa guérison ?

Cette guérison, d’un seul mot Jésus pouvait l’accomplir, et sa puissance en eût paru plus éclatante. Mais le miracle qui nous est raconté cache un plus grand mystère ; et l’Homme-Dieu, voulant ici surtout nous instruire, subordonne l’exercice de sa puissance au but d’enseignement qu’il poursuit.

Les saints Docteurs nous apprennent en effet que cet homme représente le genre humain tout entier  en dehors du peuple juif. Abandonné depuis quatre mille ans dans les régions de l’aquilon où régnait seul le prince du monde, il a ressenti les effets désastreux de l’oubli dans lequel l’avait mis, semblait-il, son Créateur et Père, par suite du péché d’origine. Satan dont la ruse perfide l’a fait chasser du paradis, s’en étant emparé, s’est surpassé dans le choix du moyen qu’il a pris pour garder sa conquête. La tyrannie savante  de l’oppresseur a réduit son esclave à un état de mutisme et de surdité qui le fixe mieux que des chaînes de diamant sous son empire ; muet pour implorer Dieu, sourd pour entendre sa voix, les deux routes qui pouvaient le conduire à la délivrance sont fermées pour lui. L’adversaire de Dieu et de l’homme, Satan peut s’applaudir. C’en est fait, on peut le croire, de la dernière des créations du Tout-Puissant, c’en est fait du genre humain sans distinction de familles ou de peuples ; car voici qu’elle-même, la nation gardée par le Très-Haut comme sa part de réserve au milieu de la défection des peuples, a profité de ses avantages pour renier plus cruellement qu’eux tous son Seigneur et son Roi !

L’Épouse que le Fils de Dieu était venu chercher sur la terre, la société des saints, doit-elle donc se réduire aux rares individualités qui s’attachèrent à lui durant les jours de sa vie mortelle ? Par le zèle de l’Église naissante et l’ineffable bonté du Seigneur, il n’en sera pas ainsi. Chassée de Jérusalem avec son Époux, l’Église a rencontré au delà des confins de Judée le captif de Satan ; elle le convoite pour le royaume de Dieu, et c’est elle qui, par ses apôtres et leurs disciples, l’amène à Jésus, en le priant d’imposer sur lui sa main divine. Car nulle puissance humaine ne saurait le guérir : non seulement, assourdi comme il l’est par le tumulte des passions, il n’entend plus que d’une manière confuse la voix même de sa conscience, et ne perçoit plus l’écho des traditions, les accents des prophètes, que comme un son lointain et sans force ; mais encore, l’ouïe ainsi éteinte, il a perdu, avec ce sens précieux plus que tous les autres ici-bas, la possibilité même de réparer ses pertes, puisque la foi qui pourrait seule le sauver vient de l’ouïe, nous dit l’Apôtre.

L’Homme-Dieu gémit en présence d’une misère si extrême. Et comment ne l’eût-il pas fait à la vue des ravages exercés par l’ennemi sur cet être d’élite, dans cette œuvre si belle dont lui-même avait fourni le modèle à la Trinité adorable aux premiers jours du monde  ? Levant donc au ciel les yeux toujours exaucés de son humanité sainte, il voit l’acquiescement du Père aux intentions de sa compassion miséricordieuse ; et, reprenant l’usage de ce pouvoir créateur qui fit toutes choses par faites à l’origine, il prononce comme Dieu et comme Verbe  la parole de restauration toute-puissante :

Ephphetha ! Le néant, ou plutôt, ici, la ruine pire que le néant, obéit à cette voix bien connue ; l’ouïe de l’infortuné se réveille ; elle s’ouvre avec délices aux enseignements que lui prodigue la tendresse triomphante de l’Église, dont les prières maternelles ont obtenu cette délivrance ; et la foi qui pénètre en lui du même coup produisant son effet, sa langue enchaînée reprend le cantique de louange au Seigneur interrompu par le fatal péché depuis des siècles .

Cependant l’Homme-Dieu, disions-nous, veut moins, dans cette guérison, manifester la puissance de sa parole divine qu’instruire les siens ; il veut leur révéler symboliquement les réalités invisibles produites par sa grâce dans le secret des sacrements. C’est pourquoi il emmène l’homme qu’on lui présente à l’écart, à l’écart de cette foule tumultueuse des passions et des vaines pensées  qui l’avaient rendu sourd pour le ciel ; à quoi servirait-il en effet de le guérir, si, les causes de sa maladie n’étant pas éloignées, il doit retomber aussitôt ? Jésus, ayant donc garanti l’avenir, met dans les oreilles de chair de l’infirme ses doigts sacrés qui portent l’Esprit-Saint et font pénétrer jusqu’aux oreilles de son cœur la vertu réparatrice de cet Esprit d’amour. Enfin, plus mystérieusement encore, parce que la vérité qu’il s’agit d’exprimer est plus profonde, il touche avec la salive sortie de sa bouche divine cette langue devenue impuissante pour la confession et la louange ; et la Sagesse, car c’est elle qui est ici mystiquement signifiée, la Sagesse qui sort de la bouche du Très-Haut, et découle pour nous comme une onde enivrante de la chair du Sauveur , ouvre la bouche du muet, comme elle rend éloquente la langue des enfants qui ne parlaient pas encore .

Aussi l’Église, pour nous montrer qu’il s’agit figurativement, dans le fait de notre Évangile, non d’un homme isolé, mais de nous tous, a-t-elle voulu que les rites du baptême de chacun de ses enfants reproduisissent les circonstances de la guérison qui nous est racontée. Son ministre doit, avant de plonger dans le bain sacré l’élu qu’elle lui présente, déposer sur sa langue le sel de la Sagesse, et toucher les oreilles du néophyte en répétant la parole du Christ sur le sourd-muet : Ephphetha, c’est-à-dire ouvrez-vous . Il est une instruction d’un autre genre qui ressort également du récit évangélique, et que nous ne devons pas négliger, parce qu’elle arrive opportunément à la suite de ce que nous avons dit sur l’humilité. Jésus-Christ demande le silence aux témoins du miracle qu’il vient d’accomplir, bien qu’il n’ignore pas que leur légitime admiration ne tiendra nul compte de ses recommandations sur ce point. Mais il veut apprendre à ceux qui le suivent que s’il ne leur est pas toujours loisible d’empêcher l’éclat de jaillir de leurs œuvres, que si parfois l’Esprit-Saint lui-même se charge, en dépit de leurs efforts contraires, d’illustrer leur nom ici-bas pour la plus grande gloire du Dieu dont ils sont l’instrument, ils n’en doivent pas moins toujours, quant à eux, fuir l’ostentation, préférer l’abjection  ou du moins le silence, et se cacher avec délices dans le secret de la face de leur Dieu , redisant avec une égale vérité à la suite des actions les plus retentissantes aussi bien qu’après les plus ignorées : Nous sommes des serviteurs inutiles, nous n’avons fait que ce que nous devions faire

C’est toujours le chant des humbles, délivrés, guéris et glorifiés par Dieu, qui se fait entendre dans l’Offertoire.

L’assemblée des serviteurs de Dieu le supplie, par la Secrète, d’agréer leurs dons, d’en faire au Sacrifice l’hommage de leur servitude et le soutien de leur faiblesse.

L’Antienne choisie pour la Communion ne pouvait mieux convenir, dans un temps où les travaux de la moisson et des récoltes de tout genre se trouvent partout en pleine activité. Nous devons penser en effet à donner au Seigneur, par l’intermédiaire de son Église et des pauvres, les prémices de ces biens qui nous viennent de lui. Mais si nous voulons véritablement honorer Dieu en cela, évitons d’imiter la jactance du Pharisien dans l’acquittement d’un devoir si simple et si profitable à qui l’accomplit.

Le remède sacré des Mystères agit sur le corps et sur l’âme ; produisant ainsi le salut de l’un et de l’autre, il est la vraie gloire du chrétien. L’Église demande pour ses fils, dans la Postcommunion, cette plénitude effective du Sacrement.

MARIE

 

MA MERE.

Dom Jean-Gérard Omr 


SON IMMACULÉE CONCEPTION

Le privilège incomparable de l’immaculée conception a été voulu  par Dieu  avant tout parce qu’il convenait au plus haut point que la Mère du  Sauveur ne fût à aucun  instant sujette au  péché.  C’est la raison  principale, elle est connue. Ce n’est pas pourtant sur elle que je vais  insister.  Je me permettrais ici d’examiner ce privilège à un autre point de vue. Tout en ayant une raison principale devant les yeux,  Dieu  n’a-t-il pas eu  aussi,  dans le décret de l’immaculée conception, d’autres motifs secondaires, mais réels, entre autres de préparer à celle qui devait être la mère du genre humain un cœur particulièrement délicat et sensible. Le mot virginité a la même origine que le mot viridus,  (vert, pas mûr).  Il signifie donc de prime abord  quelque chose qui a gardé sa fraîcheur,  sa spontanéité et n’a pas été brûlé par les rayons du  soleil.  On  peut dire,  en transportant cette expression  du  matériel au spirituel, qu’une âme pure est une âme fraîche et sensible,  qu’une âme flétrie par le péché est une âme qui a été en  quelque sorte brûlée par le mal et qui, dans la mesure où le mal l’a atteinte, a perdu de sa délicatesse. L’immaculée conception, en assurant à notre Mère cette victoire totale sur le péché,  qui est son  privilège,  lui donne donc du  même coup  un  cœur infiniment délicat et sensible. Nous pouvons penser que Dieu a voulu cette conséquence de l’immaculée conception  et qu’il l’a voulue aussi pour que notre Mère soit plus sensible à nos misères et plus prompte à nous secourir.  Quelle confiance déjà cette première vérité ne va-t-elle pas nous donner ! Dans les heures où  nous souffrons,  nous cherchons du  secours,  mais il ne nous vient pas à l’esprit de le demander aux viveurs et aux jouisseurs, même s’ils ont le pouvoir de nous aider. Ce sont des âmes dures pour les autres, parce que trop tendres pour elles-mêmes.  Et même,  si elles avaient un  cœur doué de compassion,  leur manière de vivre a atténué leur capacité de percevoir la souffrance des autres; elles ne sont pas délicates.  Je vais,  au  contraire,  comme d’instinct,  vers ceux  qui s’efforcent de se détacher d’eux-mêmes.  Leur vie plus pure leur donne dans les yeux  une lumière plus profonde et au  cœur une tendresse plus grande.  «  Bienheureux? les cœurs purs car ils verront Dieu » et en Dieu toutes choses. Ceci, bien sûr, d’une manière encore imparfaite sur cette terre. Avec quel élan et quelle confiance nos âmes meurtries ne peuvent-elles pas s’adresser à la Mère de Jésus,  qui est notre Mère,  en  nous basant sur son infinie pureté et la fraîche tendresse qui en découle! Remercions Dieu  d’avoir préparé pour notre Mère un  cœur si délicat et si prévenant. 

SA SOUFFRANCE

C’est une vérité connue qu’une mère aime d’autant mieux son  enfant que celui-ci lui a coûté davantage.  Cela vient de ce que le cœur humain  s’attache beaucoup  plus en raison de ce qu’il donne que de ce qu’il reçoit. Dieu,  qui voulut que Marie soit notre protectrice,  a préparé son  cœur par l’infinie délicatesse de sa pureté,  mais aussi par la souffrance.  Marie a souffert parce qu’il convenait hautement qu’elle soit associée à la souffrance de son  divin  Fils,  mais aussi parce que cette souffrance devait la prédisposer à nous aimer davantage. Evoquons quelques-unes des douleurs dont son  cœur fut brisé,  insistons sur celles sur lesquelles très souvent on  passe trop  vite. L’enfance de Marie, d’abord. En vertu même de son  immaculée conception,  la Sainte Vierge était exempte de toute tendance au péché et élevée à un degré suréminent de l’amitié divine.  Marie Mère de Jésus, cette plénitude de grâces dans la Sainte Vierge devait la mettre dans un  état d’isolement au  milieu même de sa famille.  Sans doute ses parents étaient, à cause même de la sainteté de leur enfant,  élevés par Dieu  très haut dans son intimité.  Mais quelle distance encore! Et Marie,  en  grandissant,  devait se rendre compte qu’elle n’arrivait pas à être comprise comme elle l’aurait aimé. Mais il n’y a pas autour d’elle que ses propres parents.  Elle vivait dans une petite bourgade où  elle voisinait avec des êtres humains très mêlés au  péché.  Ce péché,  elle en  comprenait mieux  que personne et comme d’instinct, l’indicible horreur, et sa souffrance devait être extrêmement profonde.  Cette souffrance devait l’isoler du reste du monde, l’isoler de sa famille.  Isolement qu’elle s’efforçait elle- même de rendre le plus doux  possible pour les siens qui,  bien  loin  d’avoir à souffrir d’elle, ont toujours été frappés par sa vertu, sa mansuétude et sa bonté. Voici maintenant le grand jour de l’Annonciation.  Marie était l’épouse de Joseph. Conduits tous deux  par divine inspiration à une très haute vertu,  ils s’étaient,  tout en se mariant,  promis mutuelle fidélité dans la chasteté.  Les deux  époux  n’habitaient pourtant pas encore ensemble.  Le droit juif comportait,  si l’on  peut dire,  le mariage en deux  étapes.  D’abord  le contrat de mariage en vertu duquel la femme était accordée par ses parents comme épouse. Après seulement, par un  nouveau  rite,  essentiel lui aussi au mariage,  l’épouse viendra habiter dans la demeure de son mari. En attendant, la femme restait encore chez ses parents,  mais déjà promise, si elle venait à manquer de fidélité, sa faute était assimilée à l’adultère. Or, c’est pendant ce temps-là,  avant qu’elle s’en  alla habiter avec Joseph, que l’on put s’apercevoir du  mystère qui s’était opéré en  Marie. (Matthieu,  I,  18).  Plusieurs,  surtout parmi les modernes,  interprètent le verset 18 comme si Joseph  avait été averti,  avant l’intervention  de l’ange notée au  verset 20, non  seulement du  fait même de la conception,  mais de son  origine divine.  D’ailleurs si Joseph  avait vraiment su  en  même temps et le fait de la conception,  et son  origine divine,  comment expliquerait-on  l’intervention de l’ange qui vient le rassurer ? Cette interventions n’aurait pas eu  sa raison d’être.  Aussi n’est-il pas surprenant que le plus grand  nombre des interprètes,  depuis saint Jean  Chrysostome,  saint Ambroise, saint Augustin,  jusqu’à nos jours,  attribuent à saint Joseph,  au  sujet de Marie,  une véritable inquiétude. Tout en étant certain de la vertu  de Marie,  Joseph  se posait des questions   angoissantes; il   n’accusait   pas, mais il était inquiet. C’est bien pour dissiper ses craintes qu’un ange lui est envoyé : « Ne crains pas de prendre chez toi Marie ta femme, car ce qui est conçu en elle est l’ouvrage de l’Esprit-Saint »  (Matthieu,  I,  20). Ces craintes sont allées si loin  que Joseph s’est proposé de répudier sa femme,  ce qui était prévu en droit juif, mais il pensait agir en  secret,  sans éclat.  C’est alors seulement, au  moment où  Joseph  est sur le point de prendre une décision  définitive,  que la Trinité interviendra par un  ange.  Pourquoi Dieu  n’a-t-il pas parlé plus tôt ? C’était si simple d’avertir saint Joseph  en  même temps que Marie.  Ces deux  âmes qui s’aimaient profondément se seraient préparées ensemble,  dans l’allégresse,  au  grand mystère de la Nativité de Jésus.  Mais non. Dieu a voulu qu’il y ait entre Joseph et Marie des heures d’angoissante inquiétude. Joseph et Marie habitent chacun  leur demeure, mais ils se voient, ils se rencontrent dans la petite ville.  Marie se tait sur le mystère qui s’est opéré en  elle.  Des commentateurs ont trouvé surprenant qu’elle n’ait pas parlé à son  époux  de ces choses; Marie,  certes, n’est pas à l’aise et il n’est pas étonnant qu’elle ne parle pas.  Elle peut affirmer son innocence,  mais c’est tout.  A-t-elle à sa disposition  un  témoignage autre que le sien propre ? Alors, mieux vaut se taire, attendre que Dieu  lui-même parle à saint Joseph comme il lui a parlé à elle. Quelle souffrance, lorsqu’ils se rencontrent,  car la question  est là, comme un personnage sans cesse présent. Rentrés chez eux,  à leur travail,  à leurs prières,  la question  les poursuit,  lancinante. Lorsque l’ange est apparu  à Marie et lui a demandé son  consentement,  elle a réservé d’une manière expresse sa virginité : « Quomodo  fiet istud  quoniam virum non  cognosco  ? » (je ne connais point d'homme) Cette remarque est nette et précise,  mais l’ange l’a rassurée et elle a accepté avec la même simplicité avec laquelle elle venait de faire sa réserve. Et cette vertu à laquelle Marie tenait tant, la voilà mise en question aux yeux de celui dont l’affection et l’estime lui tiennent le plus à cœur. Et qui sait si,  bientôt,  la vierge fidèle ne passera pas, aux yeux du monde même, pour une femme coupable ? La répudiation  ne pourra pas toujours être tenue secrète,  on  s’en  demandera le pourquoi.  Sans doute,  dans le cœur de Marie,  la grâce s’oppose aux  tourments du désespoir et au découragement qui eussent envahi d’autres âmes.  Mais la parfaite charité de la Très Sainte Vierge n’a pas empêché qu’elle ait souffert,  et atrocement. Ne fallait-il pas un  acte de foi profonde chez Marie,  pour croire que la vision  de l’ange n’était pas l’apparition  d’un  ange de ténèbres ? Car enfin,  si c’était l’œuvre de Dieu,  comment Dieu  garderait-il le silence et     permettrait-il  pareil tourment chez celle que l’ange a saluée « pleine de grâce » ? Marie n’a pas hésité dans sa foi et dans son  amour,  mais c’était bien  la foi quand même chez elle, et non pas la vision, la foi qui adore Dieu  dans l’obscurité. 

Lorsque nos supérieurs nous demandent des sacrifices, nous aimons qu’ils nous disent le pourquoi,  et s’il leur arrive de ne pas le faire,  de garder le silence à propos d’une épreuve qu’ils nous imposent,  si parfois ils paraissent durs,  il nous arrive de ne pas comprendre.  Mais que sont nos épreuves en comparaison  de celles que nous découvrons en Marie et en Joseph? Qu’est le silence de nos supérieurs en  comparaison  du  silence de Dieu  au  milieu  de ces tragiques événements ? Nos supérieurs ne peuvent pas toujours parler,  même s’ils en  ont le désir, en  vue d’atténuer nos épreuves.  Mais Dieu  qui peut tout,  pouvait sans difficulté intervenir.  S’il ne l’a pas fait plus tôt,  c’est qu’il voulait laisser souffrir par ce silence ses amis les plus chers,  afin  de les associer pleinement et dès le début à la déréliction de son divin Fils lui-même. Au  dernier moment donc,  Joseph  est averti et c’est la joie maintenant qui inonde l’âme des époux.  Mais pour combien  de temps ? A peine cette première épreuve a-t-elle disparu  que d’autres commencent. Marie et Joseph  sont en  route pour Bethléem.  Personne ne veut les recevoir et,  après la Nativité,  il faut qu’ils s’enfuient en  Egypte.  Après le retour à Nazareth,  ce sont pour Marie les plus belles années, mais là encore l’épreuve n’a pas manqué. Marie savait que son  Fils était Dieu.  Dès lors, tout en le traitant avec la tendresse qui convient à une mère,  il y  a chez elle un respect très profond  pour celui qui est en  même temps que son  Fils,  son  Seigneur. Ce respect devait se manifester par des signes extérieurs; ces signes devaient apparaître aux yeux  des autres femmes du  village lorsque Marie,  par exemple,  s’en  allait avec son  enfant à travers les rues,  en  commissions.  Pense-t-on  que ces femmes ont compris la raison  profonde du  respect de Marie pour son Fils ? On peut bien supposer que Marie a été taxée de mère orgueilleuse et folle de son enfant. Cet isolement qui l’a enveloppée dès sa plus tendre enfance en raison  de sa propre perfection  à elle,  dont nous avons parlé plus haut,  devait s’accentuer encore à Nazareth,  à mesure que grandissait l’Enfant-Dieu.  Secrètement jalouses de Marie,  en  même temps qu’ignorantes de la divinité de Jésus,  les femmes de Nazareth  devaient rendre à Marie la vie très pénible.  Marie pouvait percevoir,  dans leurs regards,  peut-être dans leurs chuchotements sinon  dans leurs rires et leurs critiques ouvertes,  qu’on  la faisait passer pour sottement orgueilleuse et fière. Si,  du  moins,  pour compenser ces épreuves, l’amour filial de Jésus lui avait toujours apporté ces consolations sensibles que peut souhaiter un cœur maternel ! Mais ici encore, la croix devait venir, extrêmement dure. Jésus a voulu faire souffrir sa mère, non pas qu'il ne l’aimât pas plus qu’aucun  fils,  mais parce qu’il fallait que soit continuée la déréliction intérieure(Épreuve de la vie mystique).  L’Evangile ne nous signale à ce sujet qu’un  trait : celui de l’Enfant-Dieu volontairement perdu  parmi les docteurs et retrouvé après trois jours seulement d’angoissantes recherches.  «  O Fils ! pourquoi nous traiter ainsi ? » Il faut bien que Marie ait souffert pour parler ainsi à son  enfant en  cette formule qui traduit presque un reproche.  Mais Jésus répond  dans la tranquillité de sa dignité : «  Ne faut-il pas que je sois voué aux  choses de mon  père ? » C’est toujours le même procédé divin  : une dureté réelle vis-à-vis de celle qui est le plus proche de Dieu.  Cette dureté réelle va cependant de pair en Dieu avec une amitié inexprimable.  C’est là le mystère,  le même d’ailleurs que celui de Notre-Seigneur qui du haut de la croix se demande si son Père l’abandonne.  «  Ut quid  dereliquisti me ? » Les théologiens     s’efforcent     d’expliquer comment Jésus a pu  parler ainsi,  alors qu’il jouissait de la vision  béatifique même sur la croix.  Leurs explications restent obscures; il vaut mieux  s’en  tenir aux  faits tels que nous les transmet l’Evangile.  Jésus avait dans son  âme humaine la plénitude de la vision  de Dieu  et pourtant il a pu sans mentir prononcer cette parole de suprême angoisse.

Je reviens à Marie.

Elle a souffert dans son divin Fils et c’était voulu de la part de Jésus, et ces souffrances ont été, à n’en pas douter, les plus cruelles.  Celles qu’elle a endurées en  voyant Jésus crucifié ne sont pas moindres,  mais d’une autre nature.  Il est plus doux  à certains égards de souffrir par compassion  pour un  ami que de se demander si cet ami nous est fidèle.  Les trois années de vie publique sont un  tissu de souffrances pour Marie.  C’est à peine si elle voit son  divin  Fils de temps à autre : il est occupé au ministère des âmes. Elle le reverra surtout dans sa Passion,  elle pourra l’assister dans ses derniers moments et recevoir de lui cette parole dont saint Bernard dit qu’elle fut un  glaive : «  Femme,  voilà votre fils ».  Un  homme simplement,  à la place d’un Dieu, un cœur de pierre à la place du  cœur si aimant de Jésus.  Nous voilà devenus les enfants de la Très Sainte Vierge, dans cette heure où Jésus prend congé d’elle et lui fait en  quelque sorte son  testament. Dorénavant Marie,  qui est encore relativement jeune, a sa vie brisée, sa raison d’être humainement est finie.  Mais il faut qu’elle reste pour préparer l’Eglise,  assister les apôtres.  Nous la verrons vivant avec saint Jean,  assistant à la messe de l’apôtre,  recevant de saint Jean la Sainte Eucharistie. Son divin  Fils,  elle ne le voit plus que sous le voile de la foi, son existence se poursuit dans le silence de la prière et du sacrifice, elle reste dans l’obscurité voulue où  Dieu  l’a placée jusqu’à l’heure où  son  divin  Fils viendra la reprendre pour la couronner définitivement. Oui, Marie a souffert. Elle a été privilégiée plus que tous,  mais ses souffrances ont dépassé toutes les autres aussi. Elle a mérité amplement son  titre de Mère des douleurs, et nous ne méditerons jamais assez sur la part de souffrances qui lui est venue de la Trinité elle-même et de son divin Fils. Dieu l’a fait souffrir volontairement alors qu’il eût été si facile d’empêcher cette souffrance. Pouvons-nous penser que Marie ne se soit pas rendue compte du pourquoi de cette souffrance? Elle savait à n’en pas douter que c’était pour nous et qu’il fallait qu’elle fût associée à la croix  de son  Fils et qu’elle passât par sa déréliction.  C’était voulu  pour qu’elle contribuât à expier le péché,  déréliction  effroyable de l’homme qui s’écarte de Dieu. La déréliction de Dieu qui cesse de faire sentir sa présence est le contre poids dans l’âme du  juste de la déréliction  du pécheur qui s’écarte de Dieu. Même si cette souffrance en  Marie et dans les saints est justifiée pour réparer le péché,  elle a été voulue aussi pour former le cœur de notre Mère.  On  aime un  enfant dans la mesure où on a souffert pour lui, on s’attache au fils de tant de larmes.  Comment Marie n’aimerait-elle pas nos pauvres âmes,  quelle confiance n’aurions-nous donc pas en elle quand nous considérons ce que nous lui avons coûté ? Nos fautes, bien loin de l’écarter de nous,  lui sont un  motif de plus pour nous venir en aide, parce qu’elle a souffert à cause de nos péchés.  Elles sont aussi,  bien  sûr, un  motif pour nous de ne jamais hésiter à l’appeler à notre aide,  puisque nous savons que notre Mère a tant souffert pour nous. Mais il y  a une autre pensée encore que nous suggèrent la souffrance de Marie et nos péchés,  et celle-là surtout vaut la peine que nous insistions. Les théologiens se demandent si le Fils de Dieu  se serait fait homme,  à supposer que l’homme n’eût pas péché,  et nous connaissons leur réponse.  Les uns disent oui,  les autres non.  Toujours est-il que, de fait, c’est bien pour notre salut que le Fils de Dieu s’est fait homme, «  propter nostram salutem ».  Il reste certain  qu’en réalité,  dans l’ordre concret des choses, l’incarnation  a été voulue pour réparer le péché.  Saint Thomas,  d’ailleurs,  semble concilier les deux  opinions rappelées ci- dessus : il déclare que si l’incarnation a été voulue pour réparer le péché, on peut penser que Dieu  n’aurait pas permis le péché s’il n’avait pas prévu  qu’il pourrait le réparer d’une manière si admirable. L’Incarnation est donc, de fait, ordonnée à la Rédemption.  Cela veut dire que nos péchés ont été l’occasion  de l’incarnation, l’occasion  de la gloire incomparable et des privilèges de la Très Sainte Vierge, car si le Fils de Dieu  ne s’était pas fait homme,  il n’y  aurait pas eu  de maternité divine de Marie. Nous pouvons donc affirmer que nos fautes ont été comme le tremplin  qui a permis à la Sainte Vierge de s’élever si haut dans l’amitié divine.  Nos fautes ne sont pas la causé de son triomphe, de sa sainteté, mais l'occasion, et c’est beaucoup. Ne s’en rend-elle pas compte mieux  que nous ? Evidemment,  et nous ne lui apprendrons rien  en  insistant dans nos prières sur cette vérité. Nous ne pouvons que lui faire plaisir en  lui faisant voir que nous nous rendons compte de cette relation  étroite qu’il y  a entre nos pauvres misères et sa pureté sans tache,  entre notre fragilité et sa toute-puissante bonté. Nous ne l’invoquerons donc pas malgré nos misères,  mais à  cause de nos misères,  parce qu’elle est mère et que la mère s’intéresse à l’enfant qui souffre plus qu’aux  autres et parce que sa maternité lui est venue à l’occasion  de notre misère. Y a-t-il un  pécheur sur terre qui puisse raisonnablement hésiter à se confier à cette mère ? Nos fautes, sans doute, lui répugnent comme le péché,  parce que c’est l’offense à Dieu  et c’est l’ingratitude,  mais cela ne l’empêche pas de venir à nous avec une tendresse inexprimable,  parce qu’elle voit dans nos fautes l’occasion de sa gloire. Et c’est Dieu qui a ordonné toutes choses ainsi. Quelle délicatesse dans la Trinité vis-à-vis de l’homme! Pour nous donner confiance, il fait de notre misère l’occasion des privilèges de celle qui va être chargée de nous aider.  La délicate bonté qui est dans le cœur de Marie et dans le cœur de Jésus n’est qu’une image encore très faible de l’infinie tendresse de Dieu lui-même. Dieu  donc a préparé merveilleusement celle qui devait être notre Mère. Il a disposé les événements pour que Marie soit portée par un  amour irrésistible à nous venir en aide, Il l’a faite pure entre toutes ses créatures afin  que la délicatesse de son  âme soit la plus parfaite et qu’elle ressente,  pour y compatir, la douleur et la misère mieux que personne.  L’ayant créée si capable de souffrir, il lui impose la souffrance la plus dure, la plus humiliante,  la plus pénétrante,  celle qui dissocierait la moelle d’avec les os.  Il faut que la Mère du  genre humain  souffre plus que tous les autres pour expier et pour aimer.  Et pour que notre misère soit encore plus capable d’inspirer à Marie son dévouement,  voilà que Dieu  en  fait l’occasion  de la gloire de Marie.  Le plan  de Dieu  est parfait, il a préparé notre Mère en la rendant capable presque à l’infini de nous aimer,  à cause même de nos souffrances et de nos misères. 

  Maintenant  ensemble  voyons la  mission  de  la  Très Sainte Vierge.

 J'ai indiqué  ce que nous sommes en  droit d’attendre de la Sainte Vierge : qu’elle nous aide en  somme à grandir,  qu’elle s’occupe de notre éducation  surnaturelle,  c’est son rôle providentiel, c’est sa mission spécifique, son devoir professionnel, si nous osons nous exprimer ainsi. C’est si vrai que, à supposer qu’elle puisse se désintéresser de nous,  elle manquerait à son  devoir principal à notre égard.  Façon  de parler,  bien  sûr,  puisqu’il ne peut pas être question  chez Marie de manquer à ses obligations,  mais il est bon de nous redire sous mille formes diverses que nous sommes pour elle l’enfant qu’elle a charge d’élever,  et que notre vie surnaturelle ne pourra croître que par elle. Essayons pour cela d’entrer dans quelques détails et voyons comment la Sainte Vierge va nous apprendre à nous nourrir, à parler, à marcher,  à nous donner à nos frères.  Un enfant dont les forces ont grandi par une nourriture bien assimilée, qui sait parler, qui sait marcher,  et dont le cœur est droit,  est un enfant bien élevé, dont la mère peut être fière.  Ces différentes tâches appartiennent au rôle maternel. Voyons-les en détail en ce qui concerne notre vie surnaturelle.  Notre nourriture surnaturelle est l’Eucharistie. Nous le savons,  nous nous efforçons d’en vivre. Mais n’avons-nous pas à déplorer l’insuffisance de nos préparations,  de nos actions de grâces ? Mille distractions nous assaillent et indépendamment de cela nos âmes ne sont pas assez dépouillées d’elles- mêmes pour saisir toute la signification  du don  eucharistique.  Et pourtant c’est par l’Eucharistie que nous devons nous assimiler la vie de Jésus, sa manière d’être, sa manière de penser et d’aimer.  Persuadés de l’excellence de cette nourriture divine,  de notre déplorable indigence,  nous sommes comme les infirmes dont l’estomac est délabré et que l’on  place en  présence d’une table abondante.  Ce n’est pas tout d’avoir devant soi la nourriture,  ce n’est pas tout d’avoir soi-même la volonté de s’en  servir,  il y  a une question  de dispositions intérieures. Il faut que l’organisme soit adapté,  préparé, sans quoi la meilleure nourriture ne porte pas de fruits.  Sans doute,  le Sauveur Jésus lui-même à qui nous crions notre indigence, peut disposer nos âmes à l’accueillir,  à le comprendre,  à vivre de lui,  mais n’est-il pas bien consolant de penser que nous avons à notre secours aussi, de par la volonté même de Jésus,  une Mère,  dont le rôle spécifique est de nous nourrir, et d’adapter notre organisme si faible à cette nourriture supra- substantielle.  Quelle plus belle préparation à la sainte messe,  à la sainte communion, que celle qui consiste à implorer d’abord la Très Sainte Vierge pour qu’elle remplisse à notre endroit cette tâche spécifiquement maternelle de la maman  qui prépare la nourriture de son  enfant ? Demandons-lui qu’elle nous obtienne l’appétit surnaturel, le désir de l’Eucharistie,  ce goût des choses célestes qui n’est pas une tendance simplement sentimentale,  mais quelque chose qui, procédant d’abord  de notre intelligence et de notre volonté,  nous prenne tout entiers et nous fasse vraiment désirer de mieux aimer Notre-Seigneur, et pour cela de mieux le connaître.  Demandons-lui aussi d’intercéder auprès de son  divin  Fils pour qu’il se penche avec miséricorde sur notre misère. Sans doute,  il nous a aimés le premier, avant que sa Mère l’en ait prié,  puisque tout l’amour qui est dans le cœur de sa Mère pour lui et pour nous vient de la Trinité Sainte.  Mais Jésus aime à se faire prier par sa Mère en notre faveur, et demander à Marie qu’elle appuie notre prière auprès du  Maître pour que notre communion  soit plus intime,  c’est certainement prier dans la ligne voulue par Dieu. D’ailleurs, en demandant à Marie de nous préparer à la messe et à la communion, nous n’avons garde d’oublier qu’elle-même a vécu pendant longtemps de la vie eucharistique. Après l’Ascension, Jésus n’était plus présent à sa Mère que par l’Eucharistie.  Essayons de nous faire une idée de l’intimité de ces rencontres entre la Mère et l’Enfant par la Cène. Marie, qui n’a vécu que pour son Fils, est brûlée du  désir de se voir réunie à lui dans la pleine lumière du ciel. Ce désir consumera sa vie,  mais plusieurs années vont se passer sans que le bon  Dieu  exauce ce vœu  intime et ardent de la Mère de Jésus. Elle restera sur la terre pour affermir les premiers pas des apôtres, veillant sur l’Eglise naissante.  Ce sera pour elle à la fois une grande joie que de représenter son  Fils auprès de saint Jean  : «  Fils,  voilà votre Mère », et une souffrance que de ne pouvoir monter plus haut vers lui.  Mais cette souffrance de la séparation,  une lumière bien douce vient la tempérer.  Jésus est là,  dans son  être tout entier,  le même qui est né à Bethléem, qui est mort sur la croix, il est là par le ministère du  prêtre,  et Marie aura le bonheur de communier de la main  des apôtres.  Qui dira l’intense émotion  de la Mère qui retrouve son Fils par ce mystérieux sacrement,  l’émotion  aussi de l’apôtre qui mesure à la fois la sublimité de son  rôle et l’indignité de sa personne ? Le prêtre devenant en  quelque sorte comme une nouvelle mère pour Jésus,  continuant l’œuvre de Marie et nourrissant, sa Mère de cette nourriture divine. Mais revenons à Marie et contemplons en silence sa messe et sa communion. C’est vraiment le ciel commencé et chaque fois que la sainte liturgie s’accomplira, Marie apprendra aux  prêtres et aux  fidèles le sens et la portée de ce grand  mystère d’amour, et ici une réponse à toutes les nouvelles idées: "Pourquoi pas des femmes prêtres" la réponse est là, présente à nos yeux, Marie la Mère Divine de Jésus n'était pas prêtre… alors la réponse est claire non pas de femme au sacerdoce! Comment mieux  nous unir à notre tour au  divin Sauveur qu’en  suppliant notre divine Mère de nous donner à nous un peu de cette charité ardente qui brûle son  cœur et le dispose d’une manière si merveilleuse à s’unir à la divine Victime présente sur l’autel? Depuis des siècles, par le Rosaire, nous prions la Sainte Vierge, en enveloppant la prière vocale dans le souvenir des grands mystères de l’Incarnation  et de la Rédemption.  J'ai pris une habitude qui m'est très chère : notre chapelet.  Pourquoi,  les jours surtout où  nous nous sentons fatigués,  peu disposés à la réflexion,  à l’effort,  et l’âme comme desséchée,  peut-être même comme détournée de la prière,  pourquoi ne prendrions-nous pas notre chapelet et, en pensant à tout ce que les mystères joyeux, douloureux et glorieux permettent d’appliquer à l’Eucharistie,  ne dirions-nous pas pour préparer notre âme,  pour achever notre action  de grâces, une ou deux dizaines de chapelet ? Il ne s’agit pas de faire de notre préparation eucharistique et de notre action  de grâces uniquement une prière verbale,  bien  loin  de là. Mais cette prière tout enfantine, si simple, toujours possible,  jointe à la méditation  des mystères,  nous semble particulièrement apte à opérer en  nous la vraie disposition  à bien communier,  à bien  remercier le Sauveur. Cette prière verbale nous disposera à laisser parler,  après, notre cœur d’une manière plus personnelle; nous aurons demandé à notre Mère qu’elle nous apprenne à nous nourrir, et elle accomplira sa mission,  elle nous disposera à la Sainte Eucharistie. Qu’il s’agisse des mystères joyeux, douloureux  ou  glorieux,  tous s’adaptent à cette préparation  eucharistique et à l’action  de grâces.  Les mystères joyeux,  c’est d’abord l’Annonciation.  Il nous est dit chaque matin que nous allons recevoir Jésus dans notre cœur, c’est aussi l’Annonciation. Et comment mieux  préparer notre âme pour l’accueil de cet Hôte divin  qu’en  suppliant la Mère de Jésus de nous donner les sentiments qu’elle a exprimés par son fiat si généreux? La Visitation,  c’est Marie qui porte Jésus à Elisabeth  et à Jean-Baptiste,  et le prêtre vient à nous avec l’Eucharistie.  Ce n’est pas tant nous qui allons à Jésus que Jésus qui vient à nous par l’Eglise et son  prêtre. C’est parce que Jésus a voulu que le sacerdoce couvrît la terre entière,  que les tabernacles se multiplient jusque dans les villages les plus reculés du monde, que nous pouvons le recevoir. (Mgr Pierre-Martin Ngo Dinh-Thuc passé des heures entière devant le tabernacle). C’est bien lui qui vient à nous par sa Mère qui disposera notre cœur.  Demandons à Marie qu’elle accomplisse sa mission  auprès de nous,  comme elle l’a accomplie pour sainte Elisabeth et saint Jean-Baptiste. La Nativité de Notre-Seigneur, c’est la transsubstantiation, le centre même de la messe, et c’est aussi la communion.  Prêtres et fidèles, chacun à notre manière nous pouvons tirer de cette similitude les raisons profondes d’invoquer Marie pour que l’attention de notre esprit et l’ardeur de notre cœur soient autant que possible semblables aux siennes, à cette heure incomparablement belle de la première rencontre visible de Jésus et de sa Mère. La Présentation  au  temple nous suggère de nous offrir en reconnaissance, en expiation, pour continuer le sacrifice de Jésus et de Marie.  L’essentiel,  dans un  sacrifice,  c’est sans doute la victime,  mais c’est aussi la disposition  de celui qui offre : «  animus donantis » (intention de donner). Dans la parabole de l’obole de la veuve, Jésus nous fait bien  sentir que cet «animus donantis » (intention de donner) est même le principal. C’est lui qui est prêtre et victime,  mais il veut que nous nous associions à son sacrifice,  et qui a mieux  réalisé cette assimilation  que Marie,  offrant son  divin  Fils au temple ? Le recouvrement de Jésus au  temple suggérera aussi bien  des réflexions consolantes et salutaires.  Nous avons retrouvé Jésus,  ne le perdons plus,  restons dans son intimité.  Demandons à Marie que par la grande souffrance qu’elle a ressentie après avoir perdu Jésus : « Fili, quid fecisti nobis sic »( mon enfant pourquoi..),  elle nous obtienne à nous de souffrir de nos péchés qui nous détournent du Sauveur et de ne plus le perdre lorsque nous l’avons retrouvé. Les mystères douloureux  ont leurs rapports aussi,  et combien  suggestifs,  avec l’Eucharistie.  Si la messe représente Noël, si l’autel rappelle la crèche,  le corporal les langes,  si le prêtre élevant l’hostie rappelle Marie élevant l’Enfant au-dessus de la tête des bergers et des Mages,  chacun  voit que l’Eucharistie est encore davantage le mémorial de la croix et de la mort du Sauveur, le sacrifice du  Calvaire continué.  La croix domine l’autel et le corporal rappelle aussi le linceul où sera enveloppé le corps exsangue du  Sauveur.  L’hostie brisée et la présence réelle sous les deux  espèces symbolisent le martyre du  Sauveur et sa mort.  Méditer sur ces mystères,  depuis la condamnation de Jésus jusqu’à sa mort,  en  compagnie de Marie,  pour demander qu’elle fasse entrer dans notre cœur une plus parfaite compréhension du péché et de notre rôle de réparateurs, c’est aussi nous disposer à bien  communier, à bien  nous assimiler ce mémorial par excellence de la croix et de la mort de Jésus, « o memoriale mortis Domini. » Nous avons rappelé plus haut quelques-unes des souffrances de Marie. Nous pouvons bien  penser que,  sur le Calvaire,  seule avec saint Jean  devant Jésus qui expirait,  la Vierge des douleurs a récapitulé toutes les souffrances de Jésus et toutes les siennes propres,  elle les a toutes réunies en  un suprême hommage pour les unir à celles de son  divin  Fils.  Elle n’a pas pu  ne pas voir avec quelle persévérante ténacité,  si l’on peut dire,  la Trinité avait organisé toutes choses,  par son  silence,  par la permission laissée aux forces du  mal de s’attaquer à Jésus,  pour que lui et elle souffrissent les plus atroces tourments. Cette volonté divine, elle l’adore, elle la remercie, elle est au fond de son  cœur,  heureuse d’expier avec Jésus pour les péchés du  monde,  de restituer au Père la gloire ravie en  quelque sorte par le péché.  La volonté divine est pour Marie, toujours,  parfaitement aimable,  même à l’heure où  elle ne comprend  pas,  où  elle répète avec Jésus : « Père, pourquoi m’avez- vous abandonné! » A  l’heure  où,  sous  l’influence  de  la  vie eucharistique largement  répandue  dans l’Eglise, il y  a une souffrance qui guette les nouveaux  apôtres,  une souffrance véritable,  une souffrance à  laquelle ils doivent se préparer,  une souffrance qui,  mal comprise et mal supportée, pourra réduire à néant les efforts les plus généreux.  C’est la souffrance qui viendra aux  apôtres laïques de l’Eglise elle-même à laquelle pourtant ils sont si dévoués.  Je m'explique:  De même que Dieu  a fait exprès,  par son  silence,  d’exercer Marie à la souffrance la plus angoissante, alors que pourtant il l’avait appelée « pleine de grâce », ainsi l’Eglise peut demander à ses enfants de grands sacrifices ; le bon  Dieu  peut permettre certains malentendus qui ne supposent aucune faute de part et d’autre,  mais qui sont extrêmement douloureux.  C’est l’heure de se rappeler le silence de Dieu dans l’agonie de Jésus,  dans la vie de Marie et de Joseph.  De se rappeler aussi l’attitude de Jésus,  de Marie et de Joseph.  Dieu  veut nous apprendre à aimer l’Eglise,  non  pour elle, mais pour lui. Il permet alors que nous ayons à souffrir de la part de ceux qui, pour nous,  représentent l’Eglise.  Il veut que nous imitions alors la généreuse attitude de Jésus, de Marie et de Joseph.  Accepter par discipline et par amour de Dieu  les contraintes, les malentendus,  les souffrances qui peuvent nous venir au  cours de notre apostolat de ceux-là mêmes auxquels nous sommes les plus attachés.  C’est la condition  indispensable pour que notre apostolat porte du  fruit.  En méditant sur les mystères douloureux  dans notre préparation  et notre action  de grâces eucharistiques,  nous demanderons à la Sainte Vierge de nous obtenir la force de persévérer dans la patience et le sacrifice, comme elle et avec elle, au pied de la croix rédemptrice. Les mystères glorieux  nous font comprendre un  autre aspect de l’Eucharistie. L’Eucharistie,  mémorial de la mort,  est aussi le gage de notre résurrection. La pensée de la résurrection  est donc bien  à sa place à la sainte communion.  C’est par la résurrection,  d’ailleurs,  que le Christ marque son triomphe sur le péché.  Ce triomphe lui- même,  réalisé sur la croix,  continué par la Résurrection,  est achevé par l’Ascension, et l’Ascension de Jésus est le point de départ de la nôtre.  C’est comme premier d’une immense théorie de fidèles marqués de son signe, que Jésus est entré au ciel. Nous nous dirigeons vers le ciel où  nous introduira Jésus dans la mesure où  nous penserons à notre éternité,  où  nous la désirerons. Penser au mystère de l’Ascension, c’est nous disposer à désirer le ciel,  à nous détacher de la terre, à nous élever au-dessus de nous- mêmes,   sentiments   parfaitement   adaptés   à une action de grâces après la sainte messe. Tous les mystères de la Révélation  chrétienne ne sont,  en  définitive,  qu’une manifestation  de l’amour,  de la charité divine. Dieu  nous a aimés le premier,  il nous appelle à son  amour,  voilà tout l’essentiel de la vie chrétienne.  Mais comme notre amour est froid  en  comparaison  de ce qu’il devrait être! Le troisième mystère glorieux, en  nous faisant méditer la Pentecôte,  nous suggère d’implorer de Marie la grâce d’un amour toujours plus parfait.  L’Eucharistie est le sacrement de l’amitié,  le sacrement le plus parfait,  c’est Jésus lui-même venant habiter en  nous,  comme l’ami chez l’ami. Pour être moins indignes de le recevoir, nous serons heureux  de penser souvent au grand mystère de la Pentecôte. L’Assomption  de la Très Sainte Vierge et son  couronnement dans le ciel nous apparaissent aussi comme la continuation  et le couronnement des messes et des communions dont Marie s’est nourrie pendant l’exil terrestre.  Ces deux  mystères nous incitent aussi à nous confier toujours davantage à celle qui est couronnée par son divin Fils, à celle qui est la toute-puissance suppliante. Nous  nous  sommes  étendu  beaucoup  sur cette profonde similitude des mystères du Rosaire et du  mystère eucharistique.  Nous n’avons fait pourtant qu’effleurer ce sujet qui embrasse au  fond  toute la doctrine chrétienne.  Mais nous voyons comment nous pouvons,  avec facilité,  passer par Marie pour nous nourrir dans la vie eucharistique et nous n’y  penserons jamais assez. Encore une fois,  ce n’est pas tout de nous placer devant une nourriture en  soi excellente, il faut encore, pour nous qui resterons toujours de petits enfants,  qu’une main maternelle dispose toutes choses pour que cette nourriture nous soit profitable.  En passant ainsi par Marie à travers les mystères du  Rosaire,  nos méditations eucharistiques seront plus personnelles,  plus profondes,  plus fructueuses.  Nous n’aurons pas fait que multiplier les prières vocales, nous aurons vraiment disposé nos âmes à s’unir au divin Sauveur.


APPRENDRE A PARLER

L’enfant ne doit pas simplement se nourrir, il devra parler, manifester par là la spontanéité de sa vie intérieure. Un enfant qui ne parle pas est un anormal, bien digne de pitié; son esprit est comme lié. La parole, dans l’ordre surnaturel, c’est la prière. Celle-ci n’est pas autre chose, en effet, que la conversation de notre âme avec Dieu. Et quand nous parlons de prières, nous voulons surtout signaler ici la prière personnelle, spontanée, qu’on appelle prière mentale, la prière dégagée des formules et qui établit des échanges tout spirituels, sans paroles extérieures et parfois aussi sans paroles intérieures, autrement dit, sans discours compliqués ou raisonnements abstraits. Mais parler à Dieu n’est pas chose aisée; c’est une des grandes difficultés de la vie intérieure que d’arriver à l’oraison, à dépasser ce stade de la prière purement vocale où l’âme est prisonnière de formules, où elle est comme passive, où elle emprunte ce que d’autres ont dit pour le répéter timidement. La prière intérieure est l’état de l’âme arrivée au point où elle s’exprime par elle-même, où elle dit ce qui lui plaît, comme il lui plaît, où elle acquiert en quelque sorte sa personnalité spirituelle. Elle prend conscience que Dieu n’est pas abstraction, mais la plus douce des réalités. Dieu, ce sont les trois Personnes divines, les trois en une seule divinité, c’est Dieu descendu jusqu’à nous par l’incarnation. Jésus est Fils de Dieu en même temps que notre Frère. Penser aux Personnes divines, se les représenter, songer à elles comme à quelqu’un qui existe réellement, qui est même le plus existant des êtres, celui sans lequel tous les autres ne sont que néant, celui qui est plus proche de nous que nous-mêmes, qui nous aime plus que nous ne nous aimons nous-mêmes, penser à Jésus, se dire vraiment qu’il a été, qu’il est et qu’il sera éternellement, « Jésus Christus heri et hodie », en un mot, arriver à l’étape où l’âme et Dieu conversent ensemble avec des paroles intérieures toutes personnelles, ou même sans paroles, dans la simple conscience de la douce intimité, qui est le propre des amis. Les amis aiment à se trouver l’un près de l’autre, toute rencontre est pour eux une joie infiniment douce et s’ils pouvaient, ils ne se sépareraient jamais. Ce n’est pas qu’ils aient chaque fois des choses nouvelles à se dire ni des raisons très précises de communiquer entre eux pour traiter de leurs intérêts. Ils se réunissent pour se réunir, pour goûter de leur présence mutuelle. L’âme doit en arriver là dans ses rapports avec Dieu. Ce serait ainsi, sur terre déjà, le commencement du ciel, où l’union est alors définitive et éternelle. « Si quelqu’un m’aime, dit Jésus, nous viendrons à lui et nous établirons en lui notre demeure ». Ces rapports intimes de l’âme avec Dieu, c’est la parole spirituelle, la conversation. Ces choses sont de toute beauté, leur simple rappel nous émeut profondément. Mais nous savons aussi combien il nous est difficile de nous élever à ce niveau et de nous y maintenir. Quand nous voulons parler à Dieu, nous n’arrivons souvent à peine qu’à épeler quelques mots, à balbutier. Nous sommes comme le prophète, réduits à dire a...a...a... je ne sais pas parler. Et pourtant, il faut arriver à parler à Dieu. Dans notre apostolat, que nous soyons laïques ou consacrés au service dé Dieu par l’état religieux ou ecclésiastique, la prière personnelle est absolument indispensable; pas d’apostolat véritable s’il n’est pas le trop-plein de la vie intérieure. L’apostolat sans vie intérieure est une abominable Caricature où l’égoïsme, d’une manière inconsciente souvent, tient lieu d’amour de Dieu. Tous les éducateurs de la vie spirituelle sont d’accord pour rappeler ces vérités, comme aussi pour signaler l’extrême difficulté de cet art de la parole à adresser à Dieu. Une fois qu’une âme en est arrivée à savoir parler à Dieu, on peut presque dire qu’elle est sauvée, à moins qu’elle se précipite dans la négligence voulue; persévérante, elle gardera toujours au cœur cette flamme vitale qui lui donnera la possibilité de s’adresser à tout instant, à l’heure du danger comme à l’heure de la joie, à son Père céleste. Et puisque c’est si difficile, puisque nous sommes tellement sollicités par les   distractions   terrestre alourdis par la fatigue, le sommeil, comment donc apprendre à parler ? Pas de meilleur moyen que le recours à la Très Sainte Vierge; car apprendre à parler; c’est le rôle de la maman. C’est un rôle aussi spécifiquement maternel que celui qui consiste à nourrir l’enfant. D’ailleurs, dans l’ordre spirituel, la parole intérieure est aussi une nourriture et l’Eucharistie nous est donnée aux fins de nous amener justement à ce degré de développement spirituel qui nous conduira à la parole intérieure. Nous apprendrons donc à parler dans la mesure où nous demanderons cette grâce à notre Mère du ciel. Avant donc que de nous appliquer à l’exercice spirituel, à notre méditation, nous avons autre chose à faire : c’est d’invoquer Marie et de lui demander qu’elle accomplisse sa mission auprès de nous. Il est certain alors qu’insensiblement, mais d’une manière très réelle, notre âme arrivera à se dégager de cette passivité où elle s’est trouvée tout d’abord; Dieu lui deviendra plus présent, elle saura s’adresser à lui, elle jouira de cette intimité qui établira entre elle et Lui ces liens d’affection consciente et personnelle dont nous avons parlé plus haut. Comment se fait-il que des âmes très généreuses dans l’exercice de l’ascèse chrétienne, restent si longtemps comme incapables de s’entretenir avec Dieu autrement que par des formules, alors que de petits enfants, de jeunes adolescents, sont arrivés très vite à la grâce de l’oraison personnelle ? C’est le mystère, sans doute, de l’appel de Dieu qui vient à l’heure qui lui plaît, mais c’est aussi, croyons-nous, le fait que beaucoup ne pensent pas à demander à Marie et par Marie la grâce de l’oraison. Beaucoup ne songent pas que si nous sommes par nous-mêmes impuissants à parler d’une manière personnelle, quelqu’un est là, qui a charge d’âme envers nous, charge de nous apprendre à parler, quelqu’un à qui nous pouvons et devons nous adresser chaque fois que nous voulons parler. Quand donc nous voudrons nous élever jusque vers Dieu, appliquons-nous à cette méthode toute simple, enfantine. Demandons d’abord à Marie qu’elle délie notre langue, qu’elle nous apprenne cette langue maternelle du ciel qui est la prière; nous l’apprendrons par elle comme nous avons appris, comme sans efforts, la langue maternelle de la terre, qui est celle que nous parlons le plus aisément, que nous n’oublions jamais, qui est entrée en nous par notre mère. Si nous prenons l’habitude de ne jamais commencer notre oraison personnelle sans recourir à Marie, il est certain que notre oraison deviendra fructueuse, que notre âme prendra goût à cet exercice essentiel, véritable respiration de l’âme, aussi nécessaire à l’esprit que la respiration matérielle pour le corps. Cela pourra paraître, à première vue, compliqué, s’adresser d’abord à Marie pour aller à Jésus et par lui à la Trinité, d’autant plus que nous recommanderions volontiers, pour augmenter notre propre confiance envers Marie, de commencer d’abord par demander aux anges gardiens, aux saints de notre pays, de notre profession, de nous donner un peu de la dévotion filiale qu’ils avaient envers Marie. Prier les saints et les anges de nous conduire à Marie, Marie de nous conduire à Jésus, Jésus de nous introduire auprès du Père, quel meilleur début d’oraison, et toujours possible et facile. La complication n’est que pour ceux qui n’ont pas essayé. Les élévations de l’âme, est-il besoin de le dire, se font en un clin d’œil. Mais il est bon d’insister spécialement auprès de la Sainte Vierge en s’appuyant sur le fait de sa mission maternelle. Une partie de cette mission est de nous apprendre à parler.

L’enfant commence à parler, commence aussi à se tenir debout et à marcher tout seul. Apprendre à marcher, c’est là aussi une tâche bien maternelle et difficile. Question d’équilibre, où l’instinct ne suffit pas. Que de scènes gracieuses à la fois et révélatrices d’une patience sans égale, nous voyons évoquées par ce simple rappel ! L’enfant tombera souvent avant de savoir marcher, avant de savoir courir. Sa maman le tiendra d’abord par les bras et l’obligera à s’appuyer sur ses petites jambes, à les placer l’une devant l’autre, non pas seule­ ment en les jetant devant lui, mais en les disposant de telle manière que son corps, dans un équilibre permanent, se tienne debout. L’enfant d’abord ne voudra pas, il ne comprendra pas le sens de l’exercice qu’on lui fait faire : il est habitué à se laisser porter. Pour se tenir debout, il faudra qu’il fasse effort, qu’il consente à s’appuyer un peu sur lui-même. Et lorsque la maman lui aura appris ces tout premiers exercices, le tenant encore par les bras, elle devra peu à peu diminuer son appui, et c’est alors que viendront les chutes ou du moins cet équi­ libre instable qui fait rire et pleurer le petit enfant. Et s’il tombe, il faudra encore que sa maman le relève; elle ne se lassera jamais de le reprendre et de recommencer les mêmes exercices, jusqu’à ce qu’enfin l’enfant marche tout seul. La maman assiste au progrès de son petit, elle suit chacun de ses pas, elle préside vraiment, par ses yeux, par son cœur et par ses bras, à cette évolution du petit être qui en arrive petit à petit à se conduire lui-même. Apprendre à marcher, dans l’ordre surnaturel, cela signifie apprendre à se tenir debout dans le chemin de Dieu, à avancer dans la vertu, à éviter le péché. Et nous savons par expérience combien c’est difficile. Que de bonnes résolutions nous avons prises et nous renouvelons tous les jours, et combien vite la tentation, l’insouciance, nous détournent du bien que nous avons voulu! Nous déplorons notre misère, mais savons-nous prendre le moyen qui pourra nous établir dans un équilibre suffisant ? Un pauvre pécheur, lié par son extrême faiblesse personnelle   et toutes les   circonstances défavorables du dehors, retombe sans cesse dans le péché grave, sait-il assez où se trouve son salut? Tout les saints ont insisté sur le rôle de la dévotion à la Sainte Vierge dans la résurrection spirituelle. Saint Alphonse de Liguori, en particulier, multiplie sur ce point ses avis et les exemples de son fructueux ministère. Et s’il s’agit de ces fautes journalières qui assombrissent notre joie spirituelle, de ces péchés multiples par lesquels nous refusons à Dieu tant de choses que pourtant nous lui avons promises, de ces négligences qui ternissent notre amitié surnaturelle et qui nous font pleurer à cause de notre ingratitude, nous en débarrassons-nous mieux qu’en invoquant ici de nouveau le secours de notre Mère ? Il faut nous tenir debout, il faut marcher, il faut courir, « viam mandatorum cucurri ». C’est elle qui donnera à notre organisme spirituel cet équil

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